La présente note a pour objet de répondre à certaines de vos questions et vous propose une méthodologie, une « check-list » que vous devez avoir en tête dans le cadre de la reprise que vous organisez.
1. Je reprends mon activité : quelles sont mes obligations ?
En votre qualité d’employeur vous êtes tenus à une obligation de sécurité s’agissant de la santé physique et mentale de vos collaborateurs (article L. 4121-1 du Code du travail).
2. Obligation de sécurité de « résultat » ou de « moyen » ?
A l’origine (2002) l’obligation de sécurité était, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, sans conteste une obligation de résultat. Aujourd’hui, certains la qualifient d’obligation de « moyen renforcée ».
Cette distinction a en réalité un intérêt assez limité. Dans les deux cas, qu’elle soit de résultat ou de moyen renforcée, cette obligation implique une inversion de la charge de la preuve.
Concrètement, en cas de sinistre (contamination d’un collaborateur) ce n’est pas à votre collaborateur de prouver qu’il a été contaminé chez vous. Ce sera davantage à vous de prouver que vous avez mis en place les mesures de prévention nécessaires permettant de diminuer ou de supprimer le risque Covid-19.
3. Quels sont les risques en cas de non-respect de mon obligation de sécurité ?
Les risques sont de deux types :
- le risque pénal : vous êtes susceptible en cas de manquement à votre obligation de sécurité d’être condamné pénalement à une amende ou à une peine de prison (à titre d’exemple, une condamnation pour mise en danger de la vie d’autrui n’est pas que théorique).
Le risque pénal concerne tant l’employeur personne morale que son dirigeant.
Remarque : sur ce point précis, pensez aux délégations de pouvoirs et de responsabilités.
- Les risques civils :
Un collaborateur peut engager votre responsabilité de deux façons :
1. Il saisit un Conseil de prud’hommes et sollicite des dommages-intérêts pour non-respect de votre obligation de sécurité ;
2. Il est victime du Covid-19 et engage (lui ou ses ayants droit) votre responsabilité sur le fondement de la faute inexcusable (après reconnaissance du caractère professionnel de l’affection).
En cas de faute inexcusable, la victime d’un AT/MP peut obtenir une réparation intégrale (et pas forfaitaire) des préjudices qu’elle subit. Dans cette hypothèse, le débiteur final des indemnités versées au collaborateur : c’est vous !
Les montants en jeu sont très conséquents. Vous êtes en zone de risque maximum.
Remarques :
- Vous avez la possibilité de vous assurer contre votre propre faute inexcusable : vérifiez vos polices d’assurance !
- La faute inexcusable c’est quoi ? Il y a faute inexcusable lorsque :
4. Qu’est-ce que le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) ?
Ce document formalise l’inventaire et l’évaluation des risques professionnels auxquels sont confrontés vos collaborateurs.
C’est la « pierre angulaire » de votre démarche de prévention. En cas de sinistre, ce document vous sera demandé. Ne pas en disposer revient à vous placer de fait en situation de faute inexcusable.
Les principales caractéristiques du DUERP sont les suivantes :
- Entreprises concernées : toutes, peu importe leur effectif ;
- Mise à jour : au minimum une fois par an et dès que nécessaire (en cas d’apparition ou de modification d’un risque professionnel) ;
Votre document unique est le reflet de votre démarche de prévention. Cette dernière doit être permanente et évoluer dans le temps notamment au rythme de ce que l’on apprend chaque semaine sur le covid-19.
- Formalisme : il n’existe pas de modèle réglementaire de document unique, sa forme est libre ;
- Traçabilité : votre DUERP doit permettre une traçabilité. Le DUERP et ses évolutions successives doivent être datés.
5. Comment procéder à l’inventaire et à l’évaluation des risques professionnels ?
Inventaire des risques professionnels
L’INRS a fixé une nomenclature complète des risques professionnels.
L’inventaire des risques se fait au niveau de l’« unité de travail » c’est-à-dire, d’un ensemble de postes qui au regard des risques professionnels présentent des caractéristiques identiques.
Exemple :
Dans un négoce de matériaux de construction, en général, les unités de travail sont les suivantes : libre-service et comptoir, service administratif, cour, transport et livraison de matériaux sur chantier, salariés itinérants (hors livraison de matériaux) dont éventuels commerciaux.
Evaluation des risques professionnels
Evaluer un risque revient à estimer, sur une échelle que vous aurez préalablement fixée, sa dangerosité c’est-à-dire :
- sa fréquence avérée ou potentielle de réalisation ;
- le degré de gravité des lésions en cas de réalisation du risque).
Attention :
- Ce que vous mettez dans votre DUERP vous engage ;
- A ne pas surévaluer votre risque : une dangerosité élevée implique des mesures de prévention immédiates et parfois lourdes.
Ainsi, pour chaque unité de travail, identifiez et évaluez les risques inhérents au covid-19.
6. Que faire si je n’ai pas de document unique ?
Faites en un en vous concentrant, pour le moment, sur le risque covid-19.
Le moment venu, vous traiterez des risques électriques, des risques de chutes de hauteur ou de plein pied, des RPS ou encore, des risques inhérents au télétravail (le télétravail peut constituer une unité de travail),…
En PJ, vous trouverez une trame très simple et facilement adaptable de DUERP. (Cf. PJ n° 2)
7. La démarche de prévention : du DUERP aux mesures de prévention
Une fois l’inventaire et l’évaluation de vos risques professionnels effectués au niveau de chaque unité de travail composant votre entreprise, il convient de préciser les mesures de prévention mises en place pour diminuer ou supprimer le risque identifié :
- Fourniture d’équipements de protection individuelle (EPI) : masques, gants, charlottes, gel hydro alcoolique, de lingettes,… ;
- Adaptation des postes de travail : mise en place d’un parcours client avec signalisation au sol permettant le respect de la distanciation, mis en place du télétravail ;
- Adaptation des modes de production : service en mode « drive »,… ;
- Formations (prenez le temps, de nombreux tutoriels sont disponibles en particulier sur le site de l’INRS) : comment mettre ou enlever son masque ou ses gants,… ;
- Le cas échéant désigner un correspondant covid-19 ou prenez et formaliser toute autre mesure prise.
Sur ce point précis, vous pouvez prioritairement vous reporter :
- au guide éventuellement rédigé par votre Fédération ;
- aux 48 fiches métiers élaborées par le ministère du travail, en concertation avec les partenaires sociaux : https://travail-emploi.gouv.fr/le-ministere-en-action/coronavirus-covid-19/proteger-les-travailleurs/article/fiches-conseils-metiers-et-guides-pour-les-salaries-et-les-employeurs ;
- au protocole national de déconfinement élaboré par le gouvernement : en PJ (PJ n° 1) et visible à l’adresse suivante https://travail-emploi.gouv.fr/actualites ;
- au site de l’INRS (http://www.inrs.fr/), plus précis et technique mais un peu moins abordable.
Attention, évitez les « copier – coller », optez pour le sur-mesure !
8. Les acteurs de la démarche de prévention
Ne restez pas seul. Covid ou pas, la prévention est l’affaire de tous.
Impliquez vos représentants du personnel (si vous n’en disposez pas et que votre effectif ETP sur les 12 derniers mois atteint 11 salarié, il est temps d’agir), votre encadrement et vos collaborateurs.
Sollicitez votre médecin du travail.
Ces démarches peuvent paraître fastidieuses. Néanmoins, en cas de contentieux, présenter un DUERP élaboré avec votre encadrement, soumis et avaliser par votre CSE et votre médecin du travail constitue un moyen de défense et un avantage certain !
Impliquer les différentes acteurs de la prévention des risques professionnels et formaliser votre démarche de prévention est votre meilleure assurance.