Ordonnance Covid 19 » du 15 avril 2020 et délais légaux en matière de transactions immobilières
L’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative aux délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période a été fortement critiquée dans le secteur immobilier. En effet, le texte avait créé de nombreuses incertitudes s’agissant de la prise en compte de certains délais pour les ventes en cours durant la période d’état d’urgence sanitaire. Par ailleurs, les prorogations de délais prévues par l’ordonnance du 25 mars inquiétaient les professionnels de l’immobilier qui redoutaient un ralentissement de l’instruction des dossiers d’autorisation d’urbanisme et des signatures de ventes immobilières.
Le 15 avril 2020, une ordonnance très attendue est venue éclaircir les nombreuses interrogations et inquiétudes des acteurs concernés s’agissant notamment :
Nous faisons le point dans cet article sur les principales modifications apportées par l’ordonnance du 15 avril.
1 Retour sur les délais de rétractation, réflexion et renonciation : les apports de l’ordonnance du 15 avril 2020
Pour mémoire, l’ordonnance mettait en place un mécanisme de report du terme ou de l’échéance pour les actes, actions en justice, recours, formalités, inscriptions, déclarations, notifications ou publications prescrits par la loi ou le règlement, lorsque ces actes devaient être réalisés pendant la “ période juridiquement protégée “.
L’ordonnance du 15 avril 2020 est venue compléter le texte en précisant que : “ Le présent article n’est pas applicable aux délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement, ni aux délais prévus pour le remboursement de sommes d’argent en cas d’exercice de ces droits.”.
Ainsi donc, les délais de réflexion, de rétractation et renonciation sont formellement exclus du mécanisme de report, la faculté de rétractation ou de renonciation n'étant pas considérée comme un acte prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, de sanction ou de déchéance du droit au sens de l’article 2 de l’ordonnance du 25 mars 2020.
Le Code de la construction prévoit en son article L.271-1 un délai de rétractation fondamental pour l'acquéreur non professionnel. L’article énonce en effet que : “ Pour tout acte ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation, la souscription de parts donnant vocation à l'attribution en jouissance ou en propriété d'immeubles d'habitation ou la vente d'immeubles à construire ou de location-accession à la propriété immobilière, l'acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'acte (...) ”.
L'interprétation des dispositions de l’article L.271-1 du Code de la construction à la lumière de l’ordonnance du 15 avril confirme clairement que la règle du report de délai ne s’applique pas au droit de rétractation (ou de réflexion) de 10 jours accordés à l’acquéreur non professionnel d’un bien immobilier à usage d’habitation.
Par exemple, si un compromis a été notifié le 3 mars 2020, le délai de rétractation de l’acquéreur prend normalement fin le 13 mars. De même, un compromis notifié le 16 mars 2020 fait courir un délai de rétractation qui s’éteint le 26 mars suivant.
2 L’impact de l’ordonnance du 15 avril sur les délais relatifs aux procédures d’urbanisme
L’ordonnance du 25 mars 2020 avait prolongé certains délais administratifs en matière d’urbanisme tels que les délais d’instruction des permis de construire ou les délais de préemption. Ces délais avaient ainsi été suspendus lorsqu'ils étaient censés expirer durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et 1 mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire.
L’ordonnance du 15 avril 2020 supprime le délai supplémentaire d’un mois après la levée de l’état d’urgence, prévoyant que les délais d’instruction des demandes d’autorisation, de certificats d’urbanisme et des déclarations préalables, ainsi que les procédures de récolement, qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus. Leur cours reprendra à la cessation d'état d'urgence c’est-à-dire à compter du 24 mai 2020.
À titre d’exemple, la déclaration préalable de travaux (délai d’instruction habituel d’un mois à compter de sa date de dépôt) qui aurait dû commencer à s’écouler à compter du 12 mars 2020 devait normalement prendre fin le 11 avril 2020. Suite à l’ordonnance du 25 mars, le début du délai d’instruction était reporté au 24 juin 2020 (24 mai + 1 mois).
Depuis l’ordonnance du 15 avril, le point de départ du délai d’instruction de la déclaration préalable de travaux est reporté à la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire soit le 24 mai (suppression du délai “tampon” d’un mois supplémentaire).
3 L’impact de l’ordonnance du 15 avril sur le droit de préemption des personnes privées
L’ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période soulevait deux interrogations quant au droit de préemption à savoir :
Sont ici concernés les droits de préemption du locataire prévus par les articles 15, II, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et 10 et 10-1 de la loi n° 75-1351 du 31 déc. 1975 ainsi que le droit de préemption du preneur à bail commercial de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce.
Rappelons que le droit de préemption est la faculté conférée par la loi ou par une convention à une personne d'acquérir, de préférence à toute autre, un bien que son propriétaire se propose de céder, en se portant acquéreur dans un délai donné, en général aux prix et aux conditions de la cession projetée.
Ainsi, s’agissant de la prolongation du délai de préemption, l’ordonnance du 15 avril précisant que les dispositions de l’article 2 de l’ordonnance du 25 mars n’étaient pas “ applicables aux délais de réflexion prévus par la loi ou le règlement (...) ”, on doit considérer qu’il en est de même pour le délai offert au bénéficiaire du droit de préemption qui, par conséquent, n’est pas prolongé .
Concernant le délai ouvert au bénéficiaire après préemption pour la réalisation de la vente, lorsque le bénéficiaire d’un droit de préemption a préempté, la loi ouvre un délai impératif afin de réaliser la vente, à peine de nullité ou d'inefficacité de son acceptation. Si le délai expire pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la cessation de l’état d’urgence sanitaire + 1 mois, le bénéficiaire du droit de préemption devrait bénéficier de la mesure de prorogation pour réaliser la vente.
Parlons-en ensemble !
Textes de référence :