Alors que le coronavirus se propage en Europe et que certains craignent un passage de la France au stade 3 (qui correspond à une circulation active du virus sur le territoire) dans les prochains jours, les entreprises s’interrogent sur les mesures à prendre afin d’assurer la sécurité et la santé des salariés, l’employeur en étant responsable.
Des informations sont publiées depuis le 28 février 2020 sur le site du ministère du travail : https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/l-actualite-du-ministere/coronavirus-questions-reponses-entreprises-salaries.
Pour autant quelles sont les obligations de l’employeur ? Quelles mesures prendre ? Nous faisons le point dans cet article.
Ce que dit la loi sur l’obligation de sécurité
L’article L4121-1 du Code du travail dispose que «L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
Pour ce faire, l’employeur doit, selon les dispositions de l’article L 4121-2 du Code du travail :
De manière générale, les employeurs sont donc tenus d’une obligation de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise. À défaut, ils engagent leur responsabilité civile et/ou pénale (Cass, Chambre sociale, 25 mars 2009 – n° 07-44.408).
Une circulaire de 2009 est venue préciser que lorsque le risque est exclusivement ou principalement environnemental, comme une pandémie grippale, les employeurs sont tenus à une obligation de moyen (Circulaire DGT 2009/16 du 3 juillet 2009) : ils doivent donc déployer leurs meilleurs efforts pour atteindre l’objectif visé.
Les employeurs doivent ainsi veiller à se focaliser sur trois actions pour assurer la sécurité et la santé de leurs salariés : la prévention, l’information/formation des salariés et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. À défaut, ils s’exposent à une condamnation à des dommages et intérêts et/ou des sanctions pénales.
L’information des salariés et les mesures d’hygiène
Afin de ne pas accélérer les contagions, toutes les mesures d’hygiène strictes telles que la restriction des accès aux locaux ou à certaines zones de l’entreprise, le nettoyage des locaux ou encore la gestion des déchets doivent faire l’objet d’un suivi particulièrement rigoureux en période d’épidémie.
En outre, le cas échéant, les instances représentatives du personnel compétentes en matière d’hygiène, sécurité et d'organisation du travail doivent être associées aux actions de prévention.
L’employeur détermine, après consultation du comité social et économique, les conditions dans lesquelles les équipements de protection individuelle appropriés sont mis à disposition (ex masques FFP2) et veille à leur utilisation effective. Il prend en compte la gravité du risque, la fréquence de l'exposition au risque, les caractéristiques du poste de travail de chaque salarié et peut solliciter le médecin du travail (Articles R 4321-4, R4323-95 et R4323-97 du Code du travail).
L’employeur doit également rappeler régulièrement aux salariés, par exemple par note interne, affichage ou mail, les gestes « barrière » : se laver régulièrement les mains, tousser dans son coude, saluer sans serrer les mains ni s’embrasser, utiliser les mouchoirs à usage unique, etc., et veiller à ce que les équipements nécessaires soient mis à leur disposition dans les locaux (mouchoirs jetables, gel hydroalcoolique, etc.).
Il doit également leur rappeler la conduite à tenir si eux-mêmes ou un de leurs proches se trouve dans une zone où circule le virus. Le site https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus est régulièrement mis à jour.
En cas de contamination d’un salarié, l’employeur devra prendre des mesures d’isolement et pourra être amené à fermer temporairement l’entreprise en vue notamment d’une décontamination des locaux.
La mise en place d’une nouvelle organisation et des moyens adaptés
L’employeur doit adapter les conditions de travail à la situation particulière de l’épidémie, en fonction de l’activité de l’entreprise ou de la nature des postes occupés par les salariés.
Le recours au télétravail est expressément prévu par le Code du travail en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie, ou en cas de force majeure. La mise en œuvre du télétravail est considérée comme un aménagement du poste de travail « rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection des salariés.” (article L1222-11 Code du travail).
Dans ce cas de figure, l’employeur doit être en mesure de fournir l’ensemble des équipements informatiques et électroniques nécessaires à la réalisation des tâches par les salariés en situation de télétravail.
Le télétravail peut être imposé par l’employeur si le salarié est un cas contact, un cas confirmé, s’il habite dans une zone à risques ou si un de ses enfants fait l’objet d’une mesure d’isolement. Il suppose que le poste occupé soit compatible avec ce type d’organisation.
Tous les déplacements non essentiels dans les pays à risques hors UE ou dans les zones à risques en UE (Chine, Corée du Sud, Iran, Singapour, Emilie-Romagne, Lombardie, Vénétie) sont fortement déconseillés et doivent être reportés. Les Conseils aux voyageurs sont régulièrement mis à jour sur le site du ministère des affaires étrangères.
Sur le territoire national, pour les cas groupés (Clusters), dans l’Oise (6 communes), le Morbihan, la Haute-Savoie (2 communes) et Mulhouse, les déplacements doivent être limités et le recours au télétravail privilégié.
Lorsque l’employeur à des raisons valables de croire que le salarié a été en contact avec le virus et/ou présente des symptômes, il peut placer le salarié en dispense d’activité rémunérée en attendant que ce dernier obtienne un diagnostic certain par le médecin, suivi d’un arrêt de travail officiel.
Dans le cas où un salarié revient d’un pays à risques et a déjà posé des congés pour une autre période, l’employeur peut modifier les dates de congés. Dans les autres cas, l’employeur ne peut pas imposer la prise de congés. La question se pose de savoir s’il peut utiliser les RTT prévus par un accord collectif.
Les mesures d’aide
Les décrets du 31 janvier et 5 mars 2020 prévoient que les assurés qui font l'objet d'une mesure d'isolement, d'éviction ou de maintien à domicile et se trouvent dans l'impossibilité de travailler peuvent bénéficier, au titre de cet arrêt de travail, des indemnités journalières et du maintien de salaire le cas échéant, sans délai de carence.
Si un salarié doit garder son enfant de moins de 16 ans à la maison par suite de la fermeture de l’établissement dans lequel il est scolarisé ou parce qu’il vit dans une zone « cluster » et que le télétravail n’est pas possible, l’employeur peut faire une déclaration via le site « declare.ameli.fr ». La durée de l’arrêt de travail qui ne peut bénéficier qu’à un seul des deux parents sera fixée par les autorités sanitaires compétentes. Quant à l’indemnisation du salarié, elle se fait après vérification par l’Assurance Maladie des éléments transmis et sous réserve de l’envoi, selon les procédures habituellement employées, des éléments de salaires à la caisse de Sécurité sociale d’affiliation du salarié concerné.
4 situations sont recensées comme ouvrant droit au dispositif : absence massive des salariés, absence de transports en commun ou limitation des déplacements imposés par les pouvoirs publics, baisse d’activités (liées par ex à des difficultés d’approvisionnement).
Dans le cadre de ce dispositif, les salariés voient leur contrat de travail suspendu, et bénéficient d’une allocation spécifique à la charge de l’État ; un “chômage partiel” compensé. Ils perçoivent aussi une indemnité compensatrice versée par leur employeur, qui correspond à 70 % minimum de la rémunération antérieure brute.
De son côté, l’employeur bénéficie d’une allocation forfaitaire co-financée par l’État et l’Unédic, s’élevant à 7,74 euros par heure chômée pour les entreprises de moins de 250 salariés (7,24 euros par heure pour les entreprises de plus de 250 salariés).
La demande est à déposer sur un site dédié : https://activitepartielle.emploi.gouv.fr
L’employeur peut solliciter un étalement ou un report des échéances. Aucune pénalité ne devrait être appliquée, s’agissant ainsi que l’a rappelé le ministre de l’économie, d’un cas de force majeure. D’autres mesures devraient être annoncées prochainement afin de soutenir les entreprises.
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